vendredi 17 mai 2024

Revues Numéro 2024/1 (Vol. 48) Déviance et Société Sociologie du suicide

Revues Déviance et Société
Numéro 2024/1 (Vol. 48)

Numéro spécial. Sociologie du suicide

Introduction

Page 7 à 20

Articles

Page 21 à 51
Page 53 à 79
Page 81 à 111
Page 113 à 146
Page 147 à 177

Traduction

Page 179 à 204

Page 205 à 207
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/05/2024
 
https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2024-1.htm

DOSSIER INRS Suicide en lien avec le travail

Suicide en lien avec le travail

Réponse d’urgence et signal d’alerte

Le suicide, action de se donner volontairement la mort, fait partie d’un ensemble d’actes appelés conduites suicidaires : suicide, tentative de suicide, idées suicidaires, crise suicidaire (risque suicidaire élevé), équivalents suicidaires (automutilation, conduites à risque...). La conduite suicidaire est un véritable processus pouvant comporter des recherches de solutions, puis des idées suicidaires qui, lorsqu’elles se figent, mènent à des scénarios suicidaires.

Un suicide ou une tentative de suicide constitue une situation d’urgence à gérer dans l’entreprise, notamment si l’acte suicidaire s’est produit sur le lieu du travail : appel des secours spécialisés, protection des collègues confrontés à la scène de l’acte suicidaire, dissimulation visuelle des lieux où la scène s’est déroulée, information de la famille, etc.

C’est aussi un événement majeur qui doit interpeller l’entreprise. L’extrême souffrance de la personne qui passe à l’acte peut témoigner (au-delà de l’impasse existentielle dans laquelle elle se trouve) d’une situation de malaise plus largement répandue dans l’entreprise. La prévention des suicides au travail passe donc d’abord par une démarche globale de prévention des risques psychosociaux et, en cas de passage à l’acte, par une analyse de l’acte suicidaire.

Facteurs de risque

De nombreuses études épidémiologiques ont établi un lien entre des contraintes de travail et l’apparition d’une dépression. Celle-ci peut, ensuite, favoriser un passage à l’acte suicidaire. Des études montrent également un lien entre le suicide ou les idées suicidaires et des contraintes de travail.

Parmi ces contraintes associées, on retrouve notamment une forte exigence psychologique, l’absence de marges de manœuvre, les situations de harcèlement moral/sexuel ou de violences internes ou externes ou encore l’insécurité de la situation de travail.

Sur la base des données de l’enquête Conditions de travail 2016 de la Dares, une publication a identifié des facteurs de risque auxquels les idées suicidaires sont associées : forte exigence psychologique, peu de sens au travail, violences internes, pour les hommes et les femmes ; peu de possibilité de développer de nouvelles compétences, insécurité de l’emploi pour les hommes ; manque d’autonomie, exigences contradictoires ou conflits de valeurs, changements importants pour les femmes.

De façon empirique, l’accompagnement des entreprises sur le sujet fait apparaître que le manque de reconnaissance joue aussi un rôle dans le passage à l’acte suicidaire.

Il existe également des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif sous-jacent, qui marquent un passage à l’acte brutal (raptus), lié à un élément déclencheur conjoncturel, et auquel personne ne s’attendait dans l’entreprise.

Le choix de se suicider sur son lieu de travail n’est pas neutre ; c’est un message adressé à la collectivité de travail, même s’il arrive parfois que des suicides sur le lieu du travail soient indépendants de la situation professionnelle, le lieu du travail fournissant alors une occasion pour passer à l’acte (suicide par chute de hauteur dans le secteur du bâtiment, usage d’une arme de service, prise de médicaments pour des personnels de santé par exemple). 

Quelques chiffres

Sur la base des données du Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès (Cépidc – Inserm), en France, pour l’année 2021, le taux de décès par suicide était de 13,9 pour 100 000 habitants, soit près de 9 000 cas, avec une sous-estimation d’environ 10 % selon Santé publique France. Selon les données d’Eurostat 2019, le taux de suicide en France est l’un des sept plus élevés de l’Union européenne. Une étude exploratoire menée par Santé publique France avec quelques instituts médico-légaux montre qu’en 2018 près de 10 % des suicides analysés pouvaient avoir un lien potentiel avec le travail. En 2016, d’après l’enquête Conditions de travail de la Dares, 5,2 % des hommes et 5,7 % des femmes, issus de la population active, avaient eu des idées suicidaires. 

Conséquences pour l’entreprise

Un suicide ou une tentative de suicide constitue une situation de choc pour l’ensemble de l’entreprise. Cet acte, d’une violence extrême, laisse souvent les différents acteurs de l’entreprise dans le désarroi, d’autant plus lorsqu’il existe la présomption d’un lien avec le travail. La manière dont l’entreprise va tout d’abord traiter l’urgence puis analyser cet événement est déterminante pour la suite de son activité.

Prévention

La prévention des suicides au travail passe tout d’abord par une démarche globale de prévention des risques psychosociaux. En cas de passage à l’acte, une démarche spécifique doit être menée.

Réagir en urgence après un suicide ou une tentative de suicide

En cas de suicide ou de tentative de suicide (que l’événement se soit déroulé sur le lieu du travail ou en dehors), l’entreprise doit réagir en urgence. Un tel événement constitue un événement majeur potentiellement traumatisant pour l’ensemble de la communauté de travail, d’où l’importance des actions qui vont être mises en place.

Une communication interne forte doit souligner la gravité de l’événement et prendre en compte la part éventuelle des facteurs professionnels dans sa survenue. Les raisons d’un suicide sont toujours complexes à démêler. Mais il faut accepter de rechercher d’éventuels facteurs liés au travail et adresser ainsi aux salariés le signal que des pistes d’actions pour améliorer les conditions de travail vont être examinées.

À l’inverse, réduire d’emblée les causes du suicide à des raisons personnelles fait passer le message que l’entreprise ne s’interroge pas sur son organisation du travail et que rien ne va bouger. Cette posture ne peut qu’engendrer de la crainte voire de la peur chez les salariés, l’absence de réponse organisationnelle signifiant la banalisation du suicide.

 Une prise en charge psychologique des collègues de la victime (et de la victime elle-même dans le cas d’une tentative de suicide) doit être proposée (le médecin du travail pouvant suggérer à l’entreprise quelques intervenants spécialisés). La possibilité pour les salariés qui en font la demande de participer à des débriefings psychologiques peut réduire le risque de passage à l’acte pour d’autres et les cas de stress post-traumatique. Ces séances, proposées de façon individuelle ou collective, dans ou hors de l’entreprise, doivent être animées par un spécialiste extérieur, sur une période suffisamment longue pour que toutes les personnes touchées par cet événement puissent « évacuer » le traumatisme. Elles permettront d’orienter les personnes en souffrance vers des thérapeutes spécialisés.

Après la phase d’urgence

Une fois les mesures prises pour, d’une part, protéger le salarié qui a tenté de se suicider et, d’autre part, préserver les collègues du salarié (et plus largement son environnement professionnel), il est essentiel, dans un but de prévention, qu’une analyse approfondie de l’événement soit réalisée. Celle-ci peut être réalisée par le CSE par le biais du recours à un expert habilité ou d’une enquête menée par une délégation paritaire. Étant donné la gravité de la situation que manifeste l’acte suicidaire, il est nécessaire d’analyser d’abord cet événement avant de procéder à une démarche plus globale de prévention des risques psychosociaux.

Dans le cas d’une expertise CSE, sur la base du constat d’un risque grave identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel (art. L. 2315-94 du Code du travail), le CSE peut confier l’analyse de l’événement à un cabinet de consultants, habilité en tant qu’expert auprès des CSE.

Dans le cas d’une délégation d’enquête paritaire, suite à un accident de travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel (art. L. 2312-13 et art. R. 2312-2 du Code du travail), ce sont les membres du CSE (ou, en fonction de l’organisation mise en place dans l’entreprise, de la CSSCT) qui réalisent eux-mêmes l’analyse et prennent directement en charge la question du suicide au travers de la recherche des facteurs d’ordre professionnel. Cette analyse approfondie permet de débattre de la place du travail dans la survenue du suicide, afin de prendre les mesures nécessaires pour qu’un tel événement ne se reproduise pas.

Ces deux approches peuvent se compléter utilement. Les éléments mis au jour grâce à l’enquête menée par le CSE peuvent venir légitimer dans un second temps le recours à un expert, pour une analyse plus globale sur l’organisation.

Enquêtes susceptibles d’être menées après un suicide ou une tentative de suicide d’un salarié

  • L’enquête de la police ou de la gendarmerie a pour objet de clarifier les faits et le contexte de l’événement, en vue de statuer sur le caractère suicidaire du décès (par opposition à l’homicide), afin de permettre au procureur de la République d’apprécier l’opportunité d’engager des poursuites pénales.
  • L’enquête de l’inspection du travail vise à recueillir des éléments, des témoignages, et à constater d’éventuelles infractions de l’employeur au Code du travail. Le cas échéant, il les transmet au procureur de la République.
  • L’enquête réalisée par la caisse primaire d’assurance maladie vise à déterminer le caractère professionnel de l’acte suicidaire pour sa reconnaissance éventuelle au titre de la législation sur les accidents du travail / maladies professionnelles.
  • L’enquête réalisée par la Carsat/Cramif/CGSS consiste à mettre en évidence les facteurs de risques relevant du travail, pour inviter l’employeur « à prendre toutes mesures justifiées de prévention » (article L. 422-4 du Code de la Sécurité sociale).
  • L’enquête du CSE (délégation d’enquête paritaire) a pour objet d’analyser les accidents du travail, les maladies professionnelles ou à caractère professionnel, en vue de mener des actions de prévention. Elle a les mêmes finalités que celle de la Carsat/Cramif/CGSS.

 Agir sur les risques psychosociaux après l’événement

Une fois que les facteurs liés au travail ayant pu contribuer à l’acte suicidaire auront été analysés, l’entreprise devra élargir son champ d’investigation et mener ou revenir à une démarche globale de prévention des risques psychosociaux (voir dossier Risques psychosociaux), en tenant compte des résultats de l’analyse de l’acte suicidaire.

Limites des numéros verts

Attention, la mise à disposition d’un numéro vert anonyme et gratuit ne peut se substituer à une véritable prise en charge psychologique. De plus, elle ne permet pas d’identifier et d’agir sur les facteurs de risques psychosociaux.

Déclaration d'accident du travail

Une déclaration d'accident du travail doit être établie par l’employeur quand le suicide ou la tentative de suicide se produit sur le lieu et au temps du travail, ou sur le trajet domicile-travail. Si l’employeur ne l’a pas fait, les ayants droit, ou le travailleur en cas de tentative, ont la possibilité de faire cette déclaration auprès de la caisse primaire d’assurance maladie dans les deux ans qui suivent l’événement.


Pour un suicide ou une tentative de suicide survenant hors du lieu ou du temps de travail, une déclaration pourra également être faite, respectivement par les ayants droit ou le travailleur. Dans ce cas, contrairement à l’hypothèse où l’accident survient sur le lieu et au temps du travail, la présomption d’imputabilité ne s’applique pas. Il appartiendra donc au demandeur de démontrer le lien entre le suicide ou la tentative de suicide et le travail). 

Pour en savoir plus
https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html 
 
Mis à jour le 16/05/2024 

NOTICE ARTICLE Rester insensible au suicide de victimes de cybersexisme ? Analyse des répercussions du travail réputationnel posthume à travers deux cas marquants des années 2010

Rester insensible au suicide de victimes de cybersexisme ? Analyse des répercussions du travail réputationnel posthume à travers deux cas marquants des années 2010
Margot Déage, Maîtresse de conférences à l’Université Grenoble Alpes Membre du LaRAC
margot.deage@univ-grenoble-alpes.fr
Dans Déviance et Société 2024/1 (Vol. 48), pages 147 à 177

La relation entre le cybersexisme et le suicide est souvent perçue comme inéluctable, malgré sa rareté statistique. L’analyse de deux cas de suicide de jeunes femmes, médiatisés au début de la prévention contre le harcèlement en France, révèle que le travail réputationnel entrepris par l’entourage oriente la perception des violences dénoncées. Dans le premier cas, la famille invoque des troubles mentaux chez la victime pour la décrédibiliser. Dans le second, la mère recourt à l’émotion du deuil pour réhabiliter la mémoire de sa fille et en faire un symbole de la lutte contre le harcèlement. Ces exemples ouvrent une réflexion sur la notion de suicide fataliste de Durkheim à la lumière du genre.

Acces article https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2024-1-page-147.htm?contenu=article




Bilan 2023 de la Feuille de route Santé mentale et psychiatrie

Santé mentale et psychiatrie. Mise en oeuvre de la feuille de route, Etat d’avancement au 1er mars 2024

Bilan 2023 de la Feuille de route Santé mentale et psychiatrie

Frédéric Valletoux, ministre chargé de la Santé et de la Prévention, a réuni le vendredi 26 avril 2024 l’ensemble des acteurs engagés dans le déploiement de la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie ».

Lancée en juin 2018, cette feuille de route a contribué de façon décisive à installer la santé mentale dans le débat public et à lever certains tabous. Comportant initialement 37 mesures, celle-ci a été enrichie de nouvelles mesures à l’issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021 et en compte désormais 50. Il s’agit donc d’un document évolutif.

Des moyens substantiels ont été mobilisés et continueront de l’être pour accompagner son déploiement. Au-delà, la mobilisation durable et collective de tous les acteurs porteurs de cette stratégie est déterminante pour atteindre les objectifs fixés en matière de prévention des troubles psychiques, d’accompagnement des personnes qui en souffrent et de leurs proches, et de changement de regard sur ces troubles.

L’année 2023 s’est traduite par de nombreuses avancées. Les mesures de promotion et de prévention mobilisent de plus en plus d’acteurs et de citoyens, comme en atteste le déploiement du secourisme en santé mentale, avec près de 114 038 secouristes formés depuis 2019.

17 centres du 3114 (numéro national de prévention du suicide) sont actuellement actifs et ont répondu l’an dernier à près de 268 000 appels. Ils bénéficient d’un financement de 24 millions d’euros par an. Le dispositif de prévention du suicide VigilanS, financé à hauteur de 11 millions d’euros, est quant à lui déployé dans l’ensemble des régions françaises, y compris les territoires d’outre‑mer.

Parallèlement, le maillage territorial de l’offre de prise en charge se poursuit. Les centres médico- psychologiques pour enfants et adolescents continuent d’être renforcés grâce au recrutement de 400 professionnels supplémentaires. 125 maisons des adolescents accueillent, partout en France, 100 000 jeunes par an. De même, le renforcement du réseau des 700 Groupes d’Entraide mutuelle permet aux personnes suivies de recréer du lien, de s’investir dans un collectif à la mesure de leurs besoins et de leurs souhaits, ou encore de retrouver une dynamique professionnelle.

Par ailleurs, 243 006 patients ont bénéficié du dispositif MonSoutienPsy en 2023. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le dispositif évoluera prochainement avec une revalorisation du tarif des consultations, un rehaussement du nombre de séances et la suppression de la prescription initiale par les médecins.

En complément de cette feuille de route, l’engagement en faveur de la santé mentale se concrétisera dans les prochaines semaines par les Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, au mois de mai, puis par le lancement d’un Conseil national de la refondation (CNR) dédié à la santé mentale, qui s’ouvrira en juin et se clôturera en juillet.

Ce CNR santé mentale, fidèle à l’esprit de la démarche des CNR en santé, permettra de valoriser toutes les initiatives issues des territoires et de la société civile pour apporter des réponses innovantes et de proximité. Une attention particulière sera portée à la santé mentale des jeunes (enfants, adolescents et étudiants) dont le Premier ministre a annoncé qu’il en faisait une de ses priorités.

Télécharger le communiqué de presse en PDF

Pour en savoir plus :

Consulter la Feuille de route de la Santé mentale et de la psychiatrie : état d’avancement au 1er mars 2024

Consulter l’article sur la Feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie)]

NOTICE ARTICLE Le Tabou du suicide

Article 1. Le Tabou du suicide
Bellomia Etienne
psychanalyste
Membre de la FNP.
Membre de la commission prévention suicide de Carpentras (84)
246 avenue jean Monnet
84800 Isle sur la sorgue
 Dans Psy Cause 2024/2 (N° 89), pages 5 à 12

Comme pour tout vocable, il y a une histoire ancrée dans l’inconscient collectif. La plupart sont utilisés et acceptés car souvent d’une utilité banale. Cependant un mot peut entrainer une difficulté.
Pour le suicide il en est de même, ce terme tient en lui-même un tabou dû à l’histoire et les conflits autour de cette locution. La religion, notamment au moyen-âge, a fortement contribué au développement de cet interdit. Il crée un malaise autant pour celui qui l’entend que pour celui qui le prononce Par conséquent la psychanalyse est interrogée sur ce qui peut se tramer derrière celui-ci. La souffrance psychique du patient suicidaire, cache bien des choses. L’inconscient doit, alors être interrogé afin de briser l’emprise du tabou.



PLAN

IL était une fois : le suicide
Un tabou qui interroge
Un tabou inconscient
Briser ce tabou ?

https://www.cairn.info/revue-psy-cause-2024-2-page-5.htm?contenu=article

ETUDE RCEHERCHE The use of social media after bereavement by suicide: results from a French online survey

The use of social media after bereavement by suicide: results from a French online survey 
Edouard Leaune  1   2   3 Héloïse Rouzé  4   5 Laurène Lestienne  6   7 Kushtrim Bislimi  6 Margot Morgiève  7   8 Benoit Chalancon  6   7 Pauline Lau-Taï  6 Guillaume Vaiva  7   9   10 Pierre Grandgenèvre  7   9 Julie Haesebaert  4   5 Emmanuel Poulet  6   7   11
Affiliations

1 Research on Healthcare Performance RESHAPE, INSERM U1290, Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon, France. edouard.leaune@ch-le-vinatier.fr.
2 Center for Suicide Prevention, Centre Hospitalier le Vinatier, 95, Boulevard Pinel, 69500, BRON, France. edouard.leaune@ch-le-vinatier.fr.
3 Groupement d'Etude et de Prévention du Suicide, Brest, France. edouard.leaune@ch-le-vinatier.fr.
4 Research on Healthcare Performance RESHAPE, INSERM U1290, Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon, France.
5 Service Recherche et Epidémiologie Cliniques, Pôle Santé Publique, Hospices Civils de Lyon, Lyon, France.
6 Center for Suicide Prevention, Centre Hospitalier le Vinatier, 95, Boulevard Pinel, 69500, BRON, France.
7 Groupement d'Etude et de Prévention du Suicide, Brest, France.
8 Cermes3, Université Paris Cité, CNRS, Inserm, Paris, France.
9 U1172-LilNCog-Lille Neuroscience & Cognition, University of Lille, CHU Lille, Inserm, Lille, France.
10 Centre National de Ressources & Résilience Pour Les psychotraumatismes (Cn2r Lille Paris), Lille, France.
11 Department of Emergency Psychiatry, Hospital Edouard Herriot, Hospices Civils de Lyon, Lyon, France.

BMC Psychiatry. 2024 Apr 23;24(1):306. doi: 10.1186/s12888-024-05761-9.

Abstract

Background: According to recent research, the Internet and social media are shaping and changing how we die and mourn. However, the use of social media after bereavement by suicide remains poorly understood. Thus, emerging research is needed to better assess the role that social media can play after bereavement by suicide. The objective of our study was to evaluate the use of social media in French people bereaved by suicide and to assess their expectations toward social media.

Method: We conducted a national cross-sectional online survey including French people bereaved by suicide assessing their use of social media after the death of their relative. All adults bereaved by suicide were eligible to participate in the study. An online 26-item questionnaire collected sociodemographic and loss-related characteristics and evaluated four dimensions: (1) the use of social media in daily life, (2) the perceived needs regarding suicide bereavement, (3) the use of social media associated with the suicide loss, and (4) the expectations regarding the development of an online resource for people bereaved by suicide and proposals regarding the development of such a resource.

Results: Among 401 participants, 61.6% reported using social media after the death of their relative by suicide, especially those recently bereaved, those receiving counseling and bereaved parents. The participants mainly used social media to reach peers bereaved by suicide and to memorialize, while they expected social media to help them finding information on suicide and accessing bereaved peers. Younger participants were more prone to use social media to memorialize, while bereaved partners and those bereaved by the suicide of a parent were less prone to use them with such aim.

Discussion: A large part of people bereaved by suicide use social media for their grief process, mainly to contact peers bereaved by suicide and to memorialize their loved one. According to or results, social media contributes to contemporary grief processes after suicide bereavement and can be seen as putative means to improve the well-being of people bereaved by suicide.

Keywords: Grief; Social media; Suicide; Suicide bereavement.

Sociologie du suicide : approches contemporaines

Sociologie du suicide : approches contemporaines
Angeliki DRONGITI
IMT Atlantique (Nantes)-Lemna, membre du Cresppa-CSU
Baptiste BROSSARD
Department of Sociology, University of York
Dans Déviance et Société  2024/1 (Vol. 48)2024/1 (Vol. 48), pages 7 à 20
Éditions Médecine & Hygiène  ISSN 0378-7931
Numéro spécial « Sociologie du suicide »


Plan 

  1. Actualités sociologiques du suicide
  2. Défis et questions méthodologiques : nouvelles perspectives qualitatives
  3. Significations du suicide : problèmes publics et variables sociales

https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2024-1-page-7.htm

JOURNEE MONDIALE PREVENTION SUICIDE/ JOURNEE INTERNATIONALE PREVENTION SUICIDE : #JMPS2024 / #WSPD2024 #JIPS2024 #preventionsuicide : 10 septembre 2024 "« Changer le discours sur le suicide »"

Journée mondiale de prévention du suicide pour les années 2024-2026 :

« Changer le discours sur le suicide ».

Source https://www.iasp.info/2024/05/15/worldsuicidepreventionday2024/ 

Sélectionné suite à une consultation publique avec plus de 250 réponses provenant de 56 pays, ce sera le thème officiel pour les trois prochaines années retenu par l'IASP.

La Journée mondiale de prévention du suicide est célébrée chaque année le 10 septembre pour attirer l'attention sur cet important problème de santé publique à l'échelle mondiale et pour diffuser le message selon lequel les suicides sont évitables.

Créée en 2003 par l'Association internationale pour la prévention du suicide en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS)
World Health Organisation (WHO), la journée vise à attirer l'attention sur le problème, à réduire la stigmatisation et à sensibiliser les organisations, les gouvernements et le public, en transmettant le message singulier que les suicides sont évitables.
L’objectif de ce thème est de sensibiliser à l’importance de changer le discours autour du suicide et de transformer la façon dont nous percevons cette question complexe.
Changer le discours nécessite un changement systémique. Il s’agit de passer d’une culture de silence et de stigmatisation à une culture d’ouverture, de compréhension et de soutien. Cela signifie plaider en faveur de politiques et de lois qui donnent la priorité à la santé mentale, augmentent l’accès aux soins et apportent un soutien à ceux qui en ont besoin. Cela signifie investir dans la recherche pour mieux comprendre les complexités du suicide et développer des interventions fondées sur des données probantes.
Dans le cadre de la campagne du WSPD 2024-2026, l'IASP lance un appel à l'action : « Démarrez la conversation ».
Cet appel encourage les individus, les communautés, les organisations et les gouvernements à s'engager dans des discussions ouvertes et honnêtes sur la santé mentale et le suicide. En entamant des conversations, nous pouvons éliminer les obstacles et sensibiliser, prendre des nouvelles avec un ami ou un proche, partager des histoires personnelles et plaider en faveur de ressources et de services de soutien en santé mentale. Chaque conversation, aussi petite soit-elle, contribue à une société plus solidaire et plus compréhensive. En abordant ces domaines et en travaillant en collaboration entre les secteurs, nous pouvons créer une société plus solidaire et compatissante où le suicide est évitable et où chacun se sent valorisé et compris.

WSPD 2024

 

https://www.iasp.info/2024/05/15/worldsuicidepreventionday2024/ 

 

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Retrouvez toutes les manifestations déjà en ligne classées par régions, En rouge les dernières mises à Jour et en violet quand des actes, vidéo ont été réalisés.

LES MANIFESTATIONS  : NATIONALES

 

NATIONALE : 

Un concours photo pour la Journée internationale de Prévention du Suicide

Le 10 septembre marque la Journée Internationale de Prévention du Suicide, une date phare pour sensibiliser et échanger et se mobiliser. Cette année, le Centre de Prévention Suicide du Vinatier, en collaboration avec le dispositif VigilanS, organise pour la 3ème année consécutive son concours photo.
VigilanS : un soutien essentiel
VigilanS est un dispositif de veille. Son objectif principal est d'éviter la réitération suicidaire en brisant l'isolement. Comment ? En maintenant un lien précieux à travers des contacts téléphoniques réguliers et l'envoi de cartes postales.

Le concours est ouvert à tous : usagers, professionnels, familles.
Comment participer ?
Si vous souhaitez contribuer à cette initiative, c'est simple ! Envoyez-nous une photographie en format numérique à l'adresse suivante : vigilans(at)ch-le-vinatier(dot)fr entre le 15 mai et le 15 juillet 2024.

Deux règles à respecter :aucune personne reconnaissable ne doit figurer sur votre photo
et celle-ci doit être de votre propre création.
Votez pour vos favoris !
Après la clôture de la période de participation, notre jury se réunira pour une présélection et pour désigner la photo coup de cœur. Mais ce n'est pas tout ! Lors de la semaine du 9 septembre (date à préciser), un stand sera tenu devant le bureau des entrées du bâtiment 417 sur le site du Campus Hospitalier Le Vinatier. Sur place, vous êtes invités à découvrir les photographies retenues et à voter pour vos préférées.
Plusieurs catégories seront représentées : la plus esthétique,  la plus originale, la plus créative et une spécialement dédiée aux jeunes. Une visibilité bien méritée
Les photographies des gagnants serviront de modèles pour l’édition des prochaines cartes postales VigilanS. Ces cartes sont envoyées aux personnes ayant besoin de soutien, offrant ainsi une attention dans leur quotidien.  Alors, à vos clichés !
L'affiche de l'évènement

 

 

ETUDE RECHERCHE Hospitalisations pour gestes auto-infligés : une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes en 2021 et 2022

Hospitalisations pour gestes auto-infligés : une progression inédite chez les adolescentes et les jeunes femmes en 2021 et 2022

Études et résultats

N° 1300

Paru le 16/05/2024 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr*

Jean-Baptiste Hazo (DREES), Philippe Pirard (SpF), Fabrice Jollant (faculté de médecine, université Paris-Saclay et hôpital Bicêtre), Albert Vuagnat (DREES)


La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), avec la collaboration de Santé Publique France, publie une nouvelle étude sur les hospitalisations en lien avec un geste auto infligé, c’est-à-dire une tentative de suicide ou une automutilation non suicidaire (scarifications, brûlures, coups contre un mur etc.).
Réalisée à partir des données du système national de données de santé (SNDS), l’étude présente l’évolution des taux d’hospitalisation par âge et par sexe entre 2007 et 2022, dans les services de médecine et chirurgie (MCO) et dans ceux de psychiatrie. Elle décrit également les principales caractéristiques de ces hospitalisations en 2022, en fonction du type de geste infligé, des territoires ou des publics concernés.

Forte progression des taux d’hospitalisation pour geste auto-infligé chez les patientes âgées de 10 à 24 ans, avec un pic autour de l’âge de 15 ans

En cohérence avec les observations de terrain et les résultats d’enquête alertant sur une dégradation de la santé mentale des adolescentes et des jeunes femmes, le taux d’hospitalisation pour geste auto-infligé progresse de façon brutale et inédite dans cette population. Une première hausse graduelle entre 2015 et 2019 est observée, interrompue momentanément en 2020, suivie par une seconde hausse marquant une rupture en 2021, nettement plus importante que les évolutions passées. En 2022, les niveaux atteints se stabilisent par rapport à 2021 chez les 10-14 ans et poursuivent leur augmentation de façon moins marquée chez les 15-24 ans, avec des taux inédits par rapport aux années passées. Concernant les taux d’hospitalisation en MCO, comparé à la période 2010-2019, leur moyenne en 2021-2022 progresse ainsi de +71 % chez les filles de 10-14 ans, +44 % pour les 15-19 ans et +21 % chez les 20-24 ans. La progression observée des taux d’hospitalisation en psychiatrie est encore plus importante : +246 % pour les 10-14 ans, +163 % pour les 15-19 ans et +106 % pour les 20-24 ans. En psychiatrie, le taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans double entre 2012 et 2020 puis double de nouveau entre 2020 et 2022.

Les données de 2023, publiées ce même jour dans un jeu de données à part, montrent un tassement de la tendance en MCO chez les patientes de 15 à 19 ans avec un maintien des effectifs de patientes  à des niveaux proches de ceux de 2022 (graphique ci-dessous). En revanche, concernant les patientes de 10 à 14 ans et de 20 à 24 ans, les effectifs augmentent à nouveau pour les premières et continuent de progresser pour les secondes, en 2023. En psychiatrie, la tendance continue sa hausse en 2023 mais concerne toutes les classes d’âge et les deux sexes, ce qui peut laisser penser qu’il s’agirait pour partie d’une amélioration du codage statistique dans ces établissements.

L’ensemble des territoires concernés par cette progression des taux d’hospitalisation

Les analyses dédiées à cette catégorie de la population soulignent que la hausse est généralisée sur le territoire bien que plus marquée dans certaines régions, telle l’Occitanie. Les différents territoires de résidence des patientes, ruraux, urbains ou banlieue, favorisés ou défavorisés, sont tous concernés par cette progression. L’augmentation observée est toutefois plus marquée parmi les patientes résidant dans les communes les plus favorisées, bien que celles-ci restent moins représentées que celles des jeunes habitantes des communes les plus défavorisées.

Deux tiers des hospitalisations des adolescentes et jeunes femmes pour geste auto-infligé sont liées à des intoxications médicamenteuses volontaires 

Par ailleurs, les résultats indiquent que la progression des gestes auto infligés chez les adolescentes et jeunes femmes touche l’ensemble des modes opératoires avec une prépondérance des intoxications médicamenteuses volontaires, qui représentent les deux-tiers de leurs hospitalisations, suivies des lésions infligées par un objet tranchant et des gestes plus violents (pendaisons, sauts d’une hauteur etc.). Enfin, la part des patientes de 10 à 24 ans dont l’hospitalisation comporte un passage en unité de soins intensifs reste stable, autour de 10 %, laissant à penser que les gestes aux conséquences les plus sévères progressent de la même façon.

Une tendance à la hausse des taux d’hospitalisation qui n’est pas observée chez les adultes de plus de trente ans, ni chez les garçons et les jeunes hommes

À l’inverse, les taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé baissent de façon continue depuis 2010 chez les hommes et femmes âgés de 30 à 55 ans, comme marqués par un effet de génération des personnes nées dans les années 1970 et 1980, qui feraient moins de passages à l’acte que leurs aînés aux mêmes âges. Chez les garçons et jeunes hommes de 10 à 24 ans, la stabilité sur 16 ans des taux à des niveaux bien en deçà de ceux des jeunes filles dénote singulièrement. La recherche d’un pendant masculin à l’augmentation des gestes auto infligés chez les filles au travers d’une éventuelle hausse des comportements à risque (qui peuvent se traduire par des agressions physiques, des accidents de transport ou des prises de toxiques), se révèle infructueuse, les hospitalisations en lien avec ces motifs n’ayant pas tendance à augmenter particulièrement chez les hommes de 10 à 24 ans.

En 2022, les hospitalisations pour gestes auto infligés concernent plus les femmes et les communes les plus défavorisées

Près de 85 000 personnes ont été hospitalisées au moins une fois en lien avec un geste auto infligé en 2022, 64 % d’entre elles sont des femmes. La moitié de ces personnes ont été hospitalisées en psychiatrie. Les modes opératoires de ces hospitalisations sont très largement les intoxications médicamenteuses volontaires (75 % des hospitalisations en MCO et 61 % en psychiatrie) suivies des lésions par objet tranchant (10 % en MCO et 19 % en psychiatrie) et des gestes « violents1 » (6 % en MCO et 12 % en psychiatrie).

Les données du SNDS manquent d’informations socio-économiques au niveau individuel, l’affiliation à la complémentaire santé solidaire (CSS, ex-CMU-C et ACS) et l’indice de défavorisation sociale de la commune de résidence sont utilisés pour l’approcher. Les bénéficiaires de la CSS représentent près de 26 % des patients hospitalisés pour un geste auto-infligé, contre 11 % de l’ensemble des personnes ayant consommé des soins en 2022 et il existe un gradient social marqué en la défaveur des habitants des communes les plus défavorisées. 

De fortes variations régionales entre les taux d’hospitalisation pour geste auto-infligé sont observées

D’importantes disparités entre les taux départementaux de patients hospitalisés pour geste auto-infligé en MCO sont observées. Hors Mayotte, Ils varient de 35 pour 100 000 habitants en Guadeloupe à 260 dans la Somme. Plusieurs départements, notamment dans les Hauts-de-France, la Bretagne et la Bourgogne Franche-Comté ont des taux bien supérieurs à la moyenne nationale qui est de 113 pour 100 000 habitants, à l’inverse des départements d’Outre-Mer et d’Île de France qui présentent des taux inférieurs.

Pour en savoir plus

Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114.
Il est accessible 24h/24 et 7j/7, gratuitement, en France entière.
Un professionnel du soin, spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute.

Plus d’informations et de contacts

  • 1Saut d’une hauteur, pendaison, collision volontaire avec un véhicule, armes à feu, explosifs, noyade.
  •  
Publication https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2024-05/ER1300MAJ.pdf 

jeudi 16 mai 2024

AVIS REFLEXION CRITIQUE DEBAT Le suicide des personnes âgées, un phénomène encore tabou

Désespoir, vécu d’isolement, conflit avec les proches, mauvaise condition physique, précarité financière, deuils… Divers facteurs peuvent favoriser le risque suicidaire chez les personnes âgées.

Le suicide des personnes âgées, un phénomène encore tabou
Publié: 14 mai 2024, 17:00 CEST
auteur  Véronique Lefebvre des Noettes
Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt (Université Paris-Est Créteil), co-directeur du département de recherche Éthique biomédicale du Collège des Bernardins, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Déclaration d’intérêts

Véronique Lefebvre des Noettes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Partenaires  
Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC) apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

À 75 ans, Raymond est hospitalisé pour une tentative de suicide par pendaison. C’est un contexte de grande solitude, doublé d’un sentiment de panique devant des démarches administratives qu’il n’arrivait plus à gérer, qui l’ont amené à commettre ce geste. Il avait envie d’en finir. Mais, dès le lendemain, il critiquait son impulsion et demandait à être aidé. Un mois plus tard, il a pu regagner son logement avec des aides ainsi qu’un suivi médico-social.

En France, environ 9 000 personnes se suicident chaque année, ce qui représente 25 morts par jour, selon le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Cépidc). On dénombre par ailleurs dans notre pays 685 tentatives de suicide quotidiennes, soit 200 000 par an.

On estime que ces chiffres sont sous-estimés de 10 % environ, du fait de sous déclarations ne prenant pas en compte les « accidents », les conduites à risques ou le syndrome de glissement, décrit par le gériatre Yves Delomier comme un état de grande déstabilisation somatique et psychique d’évolution gravissime, spécifique des personnes âgées.

La tendance est cependant à la baisse dans toutes les classes d’âge, à l’exception notable de celle des personnes âgées. Ainsi, au-delà de la classe d’âge des 70-75 ans, 3000 morts par suicide sont annuellement enregistrés, ce qui représente 30 % de l’ensemble des suicides. Signalons que 75 % des décès par suicide concernent les hommes de plus de 65 ans. Pour eux, le ratio tentative de suicide/suicide est proche de 1, car ils utilisent des moyens violents (pendaison, arme à feu, précipitation sous un train ou défenestration).

En dépit de ces chiffres alarmants, le phénomène du suicide des personnes âgées est bien souvent invisibilisé ou banalisé, et reste tabou. Dans notre société utilitariste valorisant l’autonomie et la performance, la grande vieillesse est souvent assimilée à la décrépitude du corps et de l’esprit, aux pertes cumulées, dont celle du rôle social. Ce regard sociétal assigne les personnes âgées à disparaître de la scène, à perdre leur estime d’elles-mêmes et à se sentir devenir un fardeau.
Une accumulation de difficultés

La plupart du temps, les idées suicidaires des personnes âgées sont le signe d’une difficulté à faire face à une accumulation de difficultés de la vie quotidienne (inadaptation de la ville aux déplacements, illectronisme – néologisme décrivant un « illetrisme numérique », autrement dit des difficultés dans l’utilisation de base des outils numériques). Les problématiques psychiques constituent également une explication du passage à l’acte (70 % des suicidants souffrent de dépression, tout comme les difficultés somatiques (douleurs, les incapacités fonctionnelles…).

Citons encore comme facteurs de risque l’isolement, le veuvage, la perte de relations sociales et familiales, l’accès difficile au système de soins (800 000 personnes en affection longue durée sont sans médecins traitants), la perte d’autonomie, l’institutionnalisation (d’après une étude du CREDOC 2018 seul 18 % des personnes âgées consentent de leur plein gré à entrer en Ehpad), ou encore les situations de maltraitance, la précarité financière, les deuils, et enfin, le sentiment d’inutilité, donc de perte de sens.  Deuil et veuvage peuvent être des éléments déclencheurs d’un passage à l’acte suicidaire. 

Ces ruptures de vie peuvent s’exprimer par le passage à l’acte suicidaire. Mais expriment-elles forcément une volonté d’en finir ? Rien n’est moins sûr…

Un enjeu sociétal

« À quoi bon », « je n’en peux plus », « je serais mieux mort » « je ne veux pas être un poids »…

Le plus souvent, quand elles disent vouloir mourir, les personnes âgées signifient surtout qu’elles veulent cesser de souffrir physiquement ou psychiquement. Il faut donc se donner le temps de cheminer avec elles pour construire un projet de vie et une alliance thérapeutique.

D’enjeu sanitaire, le suicide des personnes âgées devient un enjeu sociétal. Dans un tel contexte, mettre en avant le « libre choix » en faveur du suicide assisté (qui est en quelque sorte un « suicide sur prescription médicale ») ou de l’euthanasie (le médecin injecte alors le produit létal), au prétexte que la demande serait déjà là pose question.

De quelle demande s’agit-il ? De celle de la personne qui, à un moment donné, se trouvant dans une impasse existentielle, décide de mettre fin à ses jours, à l’instar de Léontine, 98 ans, qui me confie, assise dans son fauteuil roulant : « Je ne veux pas déranger et être un poids pour mes enfants. Vivre comme ça, ce n’est pas une vie… » Puis ajoute : « J’aimerais quand même bien les revoir, mes enfants et mes petits-enfants aussi. C’est eux le sel de la vie. »

Après la crise suicidaire, se met en place une temporalité très importante : la main tendue, la réflexion, la critique d’un geste désespéré et le retour à la vie. Rappelons que le suicide n’est pas un droit, mais une liberté, garantie depuis 1791 par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le suicide est considéré comme la dernière expression de la liberté de l’individu. Mais la liberté de choisir du suicidant peut, dans la réalité, être entravée du fait d’une souffrance psychique intolérable, que seul le projet suicidaire viendra apaiser. Se suicider est alors, avant tout, un drame personnel, familial et sociétal. Dans de tels cas, les demandes explicites d’euthanasie sont très rares et cèdent dès qu’une prise en charge adéquate est mise en place.

Prévenir le geste suicidaire

Il est du devoir de chacun d’aider une personne qui tente de se suicider, et plus particulièrement du médecin qui, en responsabilités (éthique, humaine, juridique au civil, au pénal (non-assistance à personne en danger) et ordinale) se doit de mettre tout en œuvre selon les données actuelles de la science, mais sans obstination déraisonnable, pour prendre en charge les suicidants.

La prévention des conduites suicidaires des personnes âgées passe par le repérage de la crise suicidaire et par l’évaluation du risque. Dans ce contexte, les programmes de prévention du risque suicidaire, notamment pour les personnes âgées, ne sont pas assez connus.  Être attentif aux signes précurseurs peut permettre de prévenir une crise suicidaire. 

Dans ses recommandations de bonnes pratiques concernant la prise en compte de la souffrance psychique de la personne âgée, la Haute Autorité de Santé (HAS) liste plusieurs points à surveiller :

la verbalisation explicite d’idées suicidaires dont les modalités sont assez précises ;
l’expression d’un sentiment de culpabilité ou de faute impardonnable,
la rédaction d’une lettre d’adieu ou d’un testament ;
un refus brutal de communication ou des aides habituellement reçues et acceptées ;
une amélioration brutale et inexpliquée de l’humeur ;
un niveau d’angoisse inhabituel ;
une alcoolisation inhabituelle ;

Parmi les points de vigilance, la HAS souligne que « pour certaines personnes âgées, le passage à l’acte a lieu très peu de temps après la survenue de l’élément déclencheur. La rapide dégradation de l’état de la personne laisse alors peu d’opportunités d’observation des signes suicidaires. »

La HAS indique aussi que « les préoccupations liées à la mort peuvent être un sujet très fréquemment abordé par les personnes âgées. Si ces propos restent isolés, ils ne traduisent pas systématiquement une réelle volonté de se donner la mort mais plutôt une préoccupation sur la fin de leur vie. »

À ce sujet, on assiste à une demande sociétale forte de faire évoluer les conditions de fin de vie, à l’instar des 75,6 % des votant de la convention citoyenne se positionnant en faveur d’une aide active à mourir. Et ce, dans un contexte où la loi grand âge a été abandonnée et où l’accès aux soins palliatifs peine à être déployé sur tout le territoire français : rappelons qu’aujourd’hui, on manque de lits et d’unités de soins palliatifs : [50 % des besoins ne sont pas couverts].

Dans l’avis 139 du CCNE, comme dans l’énoncé du projet de loi sur l’aide à mourir, c’est au nom du respect de la liberté, de la fraternité et du devoir de solidarité que la société se dit prête à confier aux seuls médecins (dont le rôle est de soigner, d’écouter toujours, de guérir parfois mais surtout d’accompagner les plus vulnérables), la mise en place du suicide assisté, et, si la personne ne le peut pas, d’une euthanasie.

D’une situation singulière et personnelle, on voit se dessiner une volonté sociétale de maîtriser l’immaîtrisable, en médicalisant ce qui fonde notre humanité : la vieillesse et la mort. Une société juste et éthique doit-elle permettre aux personnes âgées de se suicider si c’est leur choix ? S’agit-il encore d’un choix, quand on se sent devenir un fardeau ?

Ces questions traversent le film Plan 75, récompensé par la Caméra d’or du 75e Festival de Cannes. Dans cette dystopie, la réalisatrice Chie Hayakawa imagine un Japon où, à partir de 75 ans, un accompagnement logistique et financier est proposé aux personnes âgées pour accepter l’euthanasie. Dans ce système social à bout de force, le choix n’existe plus vraiment. Avec ce film, Hayakawa nous rappelle qu’une société se juge à la manière dont elle traite ses anciens…

Pour aller plus loin : Lefebvre des Noettes, V. (2023) « Mourir sur ordonnance ou être accompagné jusqu’au bout », Éd. du Rocher.