Back Home" scrute les sentiments de ceux qui restent
Une photographe de guerre, mère de famille, décide de mourir, laissant les siens à leurs interrogations. Dans "Back Home", en salles mercredi, le Norvégien Joachim Trier scrute habilement les sentiments de ceux qui restent.
"J'ai voulu raconter une histoire à plusieurs voix sur une famille dont chacun des membres vit une même expérience à sa manière", a expliqué à l'AFP Joachim Trier, 41 ans, dont le troisième long métrage était en compétition au dernier Festival de Cannes.
Le film, intitulé initialement en français "Plus fort que les bombes" ("Louder Than Bombs"), a changé de titre en France en raison des attentats.
"Back Home" commence par un gros plan sur un nouveau-né dans une maternité. Jonah tient le bébé dans ses bras. Lui et sa compagne, Amy, viennent de devenir parents.
La mère de Jonah, Isabelle Reed, célèbre photographe de guerre (Isabelle Huppert) a décidé d'en finir il y a quelques années en expédiant sa voiture contre un 38 tonnes.
L'hommage posthume qui lui est rendu dans une exposition est l'occasion pour Jonah de retourner chez lui et de retrouver son père Gene (Gabriel Byrne) et son petit frère adolescent, Conrad.
A partir de là, le cinéaste opte pour une narration non chronologique où il suit chacun des quatre personnages, l'un d'eux (Isabelle) revenant, tel un fantôme.
A ce récit -fait de nombreux flashbacks- Joachim Trier ajoute une dimension plus subtile qui le fait pénétrer dans la psychologie des protagonistes.
"C'est une forme libre qui me permet d'entrer dans la peau de chaque personnage, de faire des boucles dans le temps, dans la mémoire de chacun", explique le cinéaste qui a tourné pour la première fois en anglais après deux films dans sa langue.
Exemple: une des premières scènes montre Gene, le père, en train de suivre en voiture son fils Conrad à la sortie du lycée. Il l'appelle sur son portable pour lui demander ce qu'il fait, où il est.
L'adolescent répond qu'il est avec des amis alors qu'il est seul, dans un parc. Peu après, la même scène sera montrée du point de vue de Conrad et l'on découvrira qu'il avait vu que son père l'épiait.
- Éclats de mémoires -
Dans ce film découpé par strates, il y a aussi des éclats de mémoires, des rêves de chacun des personnages que Joachim Trier parvient à nous montrer grâce à un montage très étudié.
L'ensemble tourne autour du personnage de la mère disparue, qui est vue à travers le souvenir de son mari, de ses enfants. Tous semblent connaître la vérité sur les circonstances de sa mort, excepté Conrad (et le spectateur avec lui).
C'est par les yeux de cet adolescent quasi mutique (Devin Druid), traumatisé par la mort de sa mère, que le spectateur vit certains moments forts du film. Le jeune acteur est troublant de maturité et de maîtrise pour son premier rôle.
Comme lorsque son frère voit sur son ordinateur un texte où il jette en vrac tout ce qu'il ressent, son monde intérieur. Jonah découvre non seulement que Conrad a du talent pour l'écriture, mais aussi toutes ces choses sur lui qu'il ne soupçonnait pas.
"Conrad est personnage romantique. C'est celui qui trouve une logique poétique à la vie", dit Joachim Trier.
"Back Home" scrute les sensations que peuvent générer les non-dits dans une famille. Sans juger. Seulement en observant.
"Je suis seulement un conteur et je suis plus curieux que juge des comportements", explique son auteur, dont le film "Oslo, 31 août" avait été remarqué en 2011.
Cinéphile, il cite une réplique de "La Règle du jeu", de Jean Renoir. "Le plus terrible dans ce monde, c'est que chacun a ses raisons."
Par Franck IOVENE
* http://www.france24.com/fr/20151207-cinema-back-home-scrute-sentiments-ceux-restent
sortie en France : 9/12/2015